Le playboy des Monts d'Arrée
C'est une belle matinée dans les Monts d'Arrée et Grekrando, plein d'allant, attaque son programme du jour.
- Le groupe n°1, les fous de la marche coachés par Lionel, partent randonner sur les crêtes au dessus du lac.
- Ceux du groupe n°2, adeptes de la "no performance, plus modestes dans leurs ambitions mais tout aussi courageux, feront le tour du lac.
Le groupe n°2 part joyeux. 9kms en perspective, même quand on a pour devise "doucement le matin et pas trop vite l'après-midi", c'est très faisable. Les choses se gâtent lorsque Jérôme notre chef bien-aimé, probablement distrait par la beauté des paysages, nous rajoute en douce une boucle de 2kms au moins.
A midi et demi, il s'avère que nous ne serions jamais à temps au lieu de pique-nique distant encore de 4,5kms. C'est assez ennuyeux car le mari d'une des randonneuses nous y attend avec sa voiture et son sandwich. Et, pire encore, les plus fragiles d'entre nous, commencent à trainer durement la patte.
Dieu merci, sur le bord de la route vaque un autochtone devant sa jolie maison aux volets bleus. C'est rassurant les volets bleus, ça rappelle Groix! La conversation s'engage sans mal et les hommes de notre groupe lui demandent s'il n'accepterait pas de conduire en voiture les femmes les plus fatiguées du groupe au point de pique-nique. L'autochtone, la chemise cartonnée de sueur, acquiesce avec entrain.
-" J' vas vider ma bétaillère et j'vas les benner là-d'dans comme des cochons!" dit-il joyeusement tout en frisant sa moustache cirée de poussière.
Christiane refuse prudemment l'invitation mais Soazig, Nolwenn et Greta (les prénoms ont été changés pour préserver leur réputation) épuisées, ne résistent pas.
Rassuré, le reste de la troupe les laisse aux bons soins de leur hôte. La bétaillère devait être bien pleine car il s'écoule un bon quart d'heure avant que l'utilitaire "jaune-la-poste" du moustachu ne nous dépasse suivi par son chien. Un arrêt le temps de faire grimper le chien et les voilà qui doublent: Soazig fait co-pilote et les 2 autres sont probablement à l'arrière mais nous ne les voyons pas car il n'y a pas de vitres.
L'homme aux moustaches cirées (appelons-le Fanch), trouvant Soazig fort à son goût, entreprend de lui faire un brin de cour. Tout en lui livrant de passionnants détails sur sa vie amoureuse, il se rapproche dangereusement... Et en plus il fleure bon l'alcool... A l'arrière, dans le noir complet, Greta et Nolwenn s'inquiètent un peu de la longueur du trajet. Nolwenn, déterminée à défendre chèrement sa peau, en tâtonnant dans l'obscurité a trouvé un marteau. Elle le garde à portée de main au cas où Fanch ne serait pas un parfait gentleman, sait-on jamais!
Enfin la voiture jaune arrive au rendez-vous où les attend le mari de Greta (appelons-le Helmut). Nos deux randonneuses à l'arrière sortent du coffre et montent dans la voiture d'Helmut tandis que Fanch propose de les guider jusqu'au lac et aussi sec repart avec Soazig à l'avant. Il est suivi par Helmut quand, tout à coup, le voilà qui fait demi-tour brusquement et repart en sens inverse, entrainant Soazig vers son antre. Dans la voiture suiveuse c'est la panique! Le sang de Greta ne fait qu'un tour:
-" Helmut, suis-les! Il est en train de l'enlever!"
Helmut, galant homme, se lance à la poursuite de la poste.
Ebahis, nous voyons la voiture jaune nous recroiser en sens inverse. Soazig à l'avant fait de grands signes. Nous lui répondons par de joyeux coucous. Helmut et les autres nous croisent sans un regard. Nous ne savons que penser. Danielle, probablement pour se rassurer, nous répète en boucle: "il y a sûrement une raison logique à tout cela… il y a sûrement une raison logique à tout cela… il y a sûrement une raison… ". Nous nous demandons bien laquelle.
Dans la cour de la ferme, Helmut et les autres récupèrent enfin Soazig pas très rassurée. D'autant que Fanch, en veine de confidences, lui parlait des 25 femmes qu'il avait eu dans sa vie. Et Soazig ne craignait qu'une chose: faire la 26ème! Et puis, ces 25 femmes, où étaient-elles passées? Dans le lac avec une pierre au cou?
Le récit de leurs aventures occupera toute notre rando et dès que nous entendons un moteur de voiture nous nous tenons prêts à nous jeter dans le fossé.
Nous ne craignons qu'une chose désormais, c'est que nos trois héroïnes, traumatisées, refusent d'ouvrir au facteur quand il apportera des colis dans sa petite voiture jaune.
Elizabeth Mahé pour Grekrando